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En 2006, la centrale de Forsmark en Suède passe à quelques minutes du meltdown. La raison ? Une perte d’alimentation électrique comme ce sera le cas en 2011 à FUKUSHIMA. L’idée qu’un deuxième Tchernobyl soit possible m’avait bouleversé au point que depuis lors je me suis engagé dans des films destinés à alerter l’opinion sur les dangers de l’atome (Antoine Citoyen, RAS :NUCLEAIRE RIEN A SIGNALER, CHERNOBYL 4 EVER). En terminant ce dernier docu en Ukraine, je songeais à quitter le nucléaire et m’ouvrir à d’autres sujets, mais la vie m’a très vite rappelé à l’ordre. Dix jours après le mixage de CHERNOBYL 4 EVER, le Tsunami dévaste les côtes japonaises. J’apprends que les diesels de secours n’ont pas fonctionné à Fukushima Daichi. Je voyais arriver la catastrophe. Et de fait, le lendemain, un ami m’annonce par texto qu’un réacteur avait explosé. J’ai suivi l’évolution des événements au jour le jour, aidé en cela par des experts de GreenPeace. J’ai appris comment les médias officiels au Japon, mais aussi chez nous, ont très vite botté en touche ce sujet alors qu’il va nous coller aux bottes pendant minimum 10 ans (cfr annexe 2). J’ai découvert comment des veilleurs infatigables se sont accrochés à la toile pour continuer à informer. J’ai surtout rencontré Shintaro. Ce jeune Japonais de 26 ans est venu voir CHERNOBYL 4 EVER au Parlement Européen. Après la projection, il m’a exprimé son émotion. Mon film l’avait éclairé sur l’avenir du Japon:  « Si les Ukrainiens n’ont toujours pas réussi à régler le problème du réacteur N°4, que ferons-nous de 4 réacteurs contenant encore du combustible ? Il ne sera pas possible d’élever des sarcophages car la zone est dangereuse du point de vue sismique. Le Japon n’a plus de futur ! ». Or le hasard a voulu que Shintaro habite à deux rues de chez  moi. Nous nous sommes donc vus très régulièrement pour parler du Japon. Shintaro est très inquiet pour sa famille et ses amis restés au pays. Cette ville a non seulement été dévastée par le tsunami, elle est aussi aujourd’hui contaminée. Depuis la catastrophe, il se renseigne et cherche à faire passer l’information auprès de ses amis là-bas. Ceux-ci ne veulent pas savoir. Certains ne veulent plus communiquer avec lui, de peur d’apprendre de mauvaises nouvelles. Shintaro est dès lors face à un dilemme immense : « Faut-il ou non dire ce qui est ? ». Or c’est justement le dilemme du gouvernement japonais, qui hésite entre alerter la population pour la préserver (ce qui est nécessaire si le Japon veut avoir un avenir) ou la rassurer pour éviter la panique et une désorganisation totale de la société et de l’économie (une vision à court terme).

Shintaro m’explique aussi pourquoi le peuple japonais semble développer une attitude fataliste. Au cœur de la culture japonaise, il y a le concept MUJO. MUJO veut dire : « Rien ne reste constant. Tout bouge ». C’est un peu le TA PANTA REI d’Héraclite ou le MEKTOUB des Arabes, à la différence près que cette leçon de philosophie leur a été prodiguée par la nature. Depuis toujours, le Japonais vit avec les tremblements de terre qui leur rappellent l’impermanence des choses et qui les ont poussés à modifier plusieurs fois leur société. Le 11 MARS, à coup sûr, a secoué le Japon de façon irréversible.

Shintaro a étudié les Sciences politiques et sociales au Japon et en Angleterre. Il vit et travaille actuellement à Bruxelles. Plusieurs associations japonaises d’aide aux enfants lui demandent de traduire leur site afin de transmettre leurs messages de désarroi au reste du monde. Shintaro voudrait donc retourner au Japon pour voir sa famille et pour rencontrer les gens qui s’occupent des enfants. Il veut savoir exactement quelle est la situation et voir ce qu’il y a moyen de faire pour aider son pays. Il s’interroge sur l’avenir de son peuple : « Il doit bien y avoir un peu de lumière dans ce tunnel si sombre ! Quelque chose de positif doit émerger de cette catastrophe, mais quoi ? ». Je partage sa curiosité, ses angoisses, sa révolte. Comme lui j’aimerais croire que le Japon profitera de cette secousse pour changer et montrer au reste du monde un nouveau modèle de société fondé sur un paradigme fondamentalement différent. Qui sait si le Japon n’est pas le laboratoire d’une transformation radicale ? Qui sait si ce qui se joue là en ce moment ne préfigure pas une solution pour survivre sur la terre lorsque nous serons 9 milliards d’êtres humains. Car le pays du soleil levant ne pourra faire face à la contamination et ses conséquences que s’il impose la loi martiale ou s’il modifie son organisation sociale et économique en optant pour un modèle fondé sur plus de solidarité…

 

En réfléchissant ensemble non pas sur le film que nous voulions réaliser, mais en nous interrogeant sur le film qui devait être fait, Shintaro et moi, sommes arrivés à une conclusion simple : l’urgence est de se pencher sur le sort des enfants. Leur vie est réellement en danger, mais le gouvernement japonais refuse de l’admettre. Faute de pouvoir opérer un coup de baguette magique qui les sauverait de leur triste réalité, il nous faut les écouter. Il importe aussi d’apporter du sens à l’insensé et de communiquer à nos enfants qui se posent eux aussi pas mal de questions. Aujourd’hui, les médias officiels sont déjà fatigués de Fukushima. Inutile de dire que peu de gens ont cherché à expliquer à nos petiots de quoi il retournait. S’ils écoutent des enfants raconter leur quotidien, ils pourront comprendre et entrer en compassion. Ce message est douloureux, mais raconté par des enfants, il porte en lui un espoir car tous les enfants du monde veulent vivre et croient qu’une solution est possible.

Ce film s’adresse donc non seulement aux adultes, mais aussi aux enfants japonais et ailleurs dans le monde.paypal-donate-button1

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